LES TROIS GRANTHI
Les granthi ou la rencontre avec les trois espaces du destin humain :
- L’animalité ou le mammifère spirituel dans le muladhara chakra
- L’ego/l’illusion (maya) et le soi/divin (lila) dans le chakra du cœur
- La raison/le mental (manas) et la conscience lumineuse/buddhi dans ajna chakra.
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Trois nœuds à découvrir en soi pour comprendre le sens de la vie, les enjeux de la liberté personnelle, pour s’affranchir des conditionnements physiologiques, émotifs et karmiques de l’espèce comme du mental collectif (océan dans lequel baignent et se nourrissent quelques 7 milliards d’humains).
Dans le yoga tantrique les granthi font partie du corps énergétique au même titre que les cakra ou les nadi. La traduction du mot sanskrit les défini comme des nœuds d’énergie mais aussi des portes, des lieux de passage vibratoires entre les fonctionnements programmés de l’espèce, (les seuls qui soient opérationnels pour tout le monde au moment de la naissance) et les fonctionnements potentiels personnels libres qui sont le fruit d’une pratique spirituelle. Les granthi ont donc deux registres d’activité qui, le plus souvent, ne peuvent être actif en même temps.
Le premier registre d’activité est celui qui est dépendant de l’espèce, celui qui est à son service. Dans ce registre l’humain dispose de peu d’autonomie dans sa façon d’être corporelle, énergétique, émotionnelle et mentale. Tout est régi par la Nature et son plan qui cadrent les fonctionnements et l’évolution de l’être humain. Le système hormonal générant les trois quart de nos émotions, de nos réactions et de nos comportements, est l’artisan majeur de cette planification infaillible qui fait de chacun d’entre nous un clone des autres.
Le deuxième registre est celui de l’individu. C’est dans ce registre que vont se manifester les singularités de chacun ainsi que sa liberté en rapport aux formatages du premier registre. Ce deuxième registre n’est pas acquis, ce n’est qu’un potentiel se manifestant chez ceux qui ont conscience dans l’existence d’une autre dimension que celle de la matérialité ou de la consommation. Cette prise de conscience conduit l’individu à entamer une recherche intérieure, un cheminement spirituel. Vécue comme un évènement majeur elle va le pousser vers une recherche intérieure, un cheminement spirituel, modifiant par là même sa vision de lui-même, des autres et du monde.
Commence alors une conquête de son indépendance, lui offrant la possibilité de se libérer des influences de l’espèce et des programmations de la Nature.
C’est l’occasion de faire un pas sur le côté de la route, de s’extraire du flot de la masse humaine en transhumance.
Ce recul offre une lucidité d’être, une occasion d’agir en correspondance avec qui l’on est vraiment, de poser des choix qui nous sont propres au-delà des conditionnements de la nature humaine.
Les granthi peuvent donc être envisagés comme une pièce de monnaie présentant deux faces, deux modes de fonctionnement. D’un côté de la face la programmation de la Nature et de l’autre le choix personnel. L’objectif du tantrisme est de rendre actives ces deux faces en même temps.
En résumé on peut définir le premier fonctionnement comme celui de l’espèce, de l’animal humain, naturellement et spontanément actif en chacun. Le deuxième fonctionnement étant celui de l’esprit, de la conscience, de l’unité ne pouvant être éveillé que par une recherche spirituelle.
Ces deux fonctionnements n'étant quasiment jamais actifs en même temps, sauf sur un laps de temps très court.
Dans la programmation de l’espèce la mission la plus importante est la reproduction garante de sa pérennité. En même temps sa part individuelle, libre, n’est pas bloquée dans ces nœuds, offrant la possibilité à chacun d’accéder à ses aspirations spirituelles.
Une double quête s’engage alors : d’une part l’individu devra repérer ses fonctionnements au service de la Nature et d’autre part trouver les moyens de réveiller en lui les fonctionnements lui permettant d’accéder à sa part de divinité dans ce mammifère qu’il est. Accéder à l’animal divin.
Dans le yoga classique on connait bien les chakra et les nadi mais on connait moins les adhara et les granthi.
Sur le plan d’une pratique personnelle les trois granthi (Brahmā granthi dans muladhara chakra, Vishnu granthi dans anahata chakra, Rudra granthi dans ajna chakra)représentent trois opportunités de rencontre avec soi-même.
Trois nœuds à défaire pour comprendre le sens de sa vie.
Ce sont trois espaces d’enseignement et d’initiation dans lesquels l'être humain va se frotter aux tendances de la Nature qui le conditionnent dans l’animalité, l’ego et le raisonnement. Chaque granthi devient une porte pouvant s’ouvrir pour accéder à l’autre face du fonctionnement de ce nœud.
Le premier granthi (celui du muladhara chakra) maintient l’être humain dans l’animalité, dans la déperdition de l’énergie sexuelle ou vitale et dans la consommation. Se libérer des influences de l’espèce permet de modifier, de transcender et de transformer cette énergie animale sexuelle en énergie spirituelle. Quand cette alchimie s’opère c’est la naissance en soi de l’animal divin.
Le deuxième granthi (celui du chakra du cœur) offre la possibilité de transcender les énergies de l’ego, de la personnalité et de libérer dans l’espace du cœur des énergies d’amour, de bienveillance et de compassion. La sagesse se profile dans l’horizon intérieur.
Enfin le troisième granthi (celui d’ajna chakra) est en lien direct avec l’intellect, le raisonnement veillant à ficeler l’être humain au service du destin de l’espèce. C’est le nœud de la dualité, du jugement et de la logorrhée. Une quête spirituelle peut modifier les énergies et les désirs, qui opèrent habituellement en faveur de ces tendances, en énergies d’intuition et de conscience. Le fonctionnement du granthi n’est alors plus celui de l’espèce mais celui de l’esprit.
Chacun d’entre nous agit selon des règles prédéfinies qui sont celles de la Nature (Prakriti). Le jeu de l’individu s’articule entre l’individu lui-même et l’espèce. Cette articulation explique le fonctionnement des granthi. La Nature enferme sur un mode automatique qui n’incite pas l’humain à s’émanciper. Sur ce plan tout est fait pour que l’individu se plaise dans ces limites,
ces stéréotypes et ces conditionnements, tant au niveau physiologique, énergétique que mental. Ainsi se contente-t-il de faire partie du troupeau et de suivre ce que la société et le système hormonal ont programmé : consommer, reproduire et mourir, engendrant par là même le plus grand prédateur du règne animal. Un regard lucide aujourd’hui sur l’humanité devrait facilement conforter ce qui précède…
Au cœur des granthi se trouve le dénouement de l’énigme. Comment transformer l’animal que je suis? Comment réveiller les autres possibilités latentes ? Comment transformer l’ego, la personnalité, l’intellect sans refuser ce qu’ils sont, sans nier l’animal, l’ego et l’intellect ? Comment s’ouvrir sur d’autres modalités d’être, de fonctionnements de vie et de conscience en même temps ? C’est tout l’enjeu d’une démarche spirituelle.
Dans les voies tantriques les granthi sont au cœur de la pratique personnelle, spirituelle. Ces voies considèrent que c’est aussi au cœur de la vie ordinaire, profane que l’être humain peut approcher et modifier les contenus de ces trois granthi.
Ainsi, concernant le nœud du cœur, l’être humain pourra accueillir ces troubles liés à la réactivité, aux émotions, aux attachements.
Concernant le premier et le troisième granthi, l’animal et l’esprit sont moins perceptibles car l’individu se confond avec le corps et ses fonctionnements. La prise de conscience de ce premier granthi est un véritable enjeu dans une démarche spirituelle mais aussi dans le cadre d’une vie profane.
Au-delà même de la notion de santé, d’énergie, de puissance c’est dans ce corps animal que la rencontre avec soi doit avoir lieu, c’est dans ce corps abordé comme un temple que doit éclore le divin.
Les granthi sont donc des « lieux » permettant de contacter au plus profond de soi-même les tendances vibratoires qui les gèrent et qui, dans un fonctionnement ordinaire, sont les tendances, des énergies cachées, voilées agissant à notre insu. L’être humain a conscience parfois de son animalité, de ses pulsions de consommation sans pour autant comprendre le fonctionnement caché de ces comportements.
Selon les enseignements traditionnels il n’y a pas d’évolution possible tant que ces nœuds sont fermés, maintenant l’espèce dans une programmation déterminée car ces espaces masquent qui on est, comment on fonctionne. L’enjeu est donc vraiment conséquent.
Seule une alchimie des énergies de l’être humain pourra libérer ces tendances divines, lui procurant de l’aisance, de la légèreté, l’extirpant de ses tiraillements, doutes, peurs et angoisse inhérents à l’espèce. Cette alchimie s’inscrit généralement dans le temps libérant le chercheur de ses conditionnements, sources de ses misères et de ses incapacités à rester un enfant libre, léger, innocent.
On peut donc dire que celui qui souhaite s’extirper de l’espèce et mettre à l’œuvre sa part de liberté, doit aborder une autre dimension, faire monter des états de lumières, de conscience et d’énergies autres que celles du troupeau. Il sera toujours un humain dans l’espèce humaine mais une part de divin va commencer à s’éveiller dans ses trois granthi.
Sans cette quête tous ses fonctionnements resteront ceux de la consommation, de la dépendance, de la destruction et de la mort.
Sur le plan simple, de la vie profane l'enjeu est de comprendre comment nous fonctionnons dans ces trois nœuds, parvenir à desserrer le passage et libérer leur énergie spirituelle afin d'enlever une grande partie des tensions qui nous oppressent.
Les conditionnements de l’espèce étant implacables il est nécessaire d’atteindre un état d’être nous permettant un accès au service de soi-même et des autres, de l’esprit et de la conscience.
En résumé, dans les granthi, le jeu sera de passer d’un état mental et énergétique ordinaire à un autre état. Une façon de brouiller les cartes de nos héritages, de nos souvenirs, de nos karma et de se mettre dans un état unique de liberté et d’autonomie. Cette quête paraît complexe alors que le chemin intérieur spirituel devrait être simple, mais la nature de l’espèce est confuse, tout comme notre position d’animal divin.
Le fonctionnement de ces nœuds est un chemin de vie initiatique, que chacun devra vivre dans des espaces reliés entre eux par des passages de conscience et d’énergie car le lien entre le nœud du muladhara, du cœur et d’ajna reste essentiel pour un état d’unité et d’équilibre entre corps, énergies et pensées.
Voilà pour une présentation générale des granthi. Les trois prochains articles seront une immersion dans les détails de chacun d’eux avec quelques pistes de réflexions et de pratiques.